Ensemble
26 Mai 2025
Je ne me suis jamais senti ni voulu "expatrié".
Immigré, oui. Un privilège à répétition, de pouvoir vivre en profondeur un lieu, une culture, bien plus qu'en touriste. De m'intégrer un minimum, de "rendre à la communauté" aussi, à ma façon.
Pendant la période de folie collective autour du vote anglais ayant fait sortir le Royaume-Uni de l'Union Européenne, un de mes lieux chéris de Londres, le fabuleux Scandinavian Kitchen, avait mené une campagne de sensibilisation à la contribution des européens à la vie de la capitale, et vendu à leurs clients un t-shirt proclamant, en blanc sur noir: proud immigrant.
Je leur en avais acheté un. Je ne l'ai porté en public qu'une seule fois.
Il suffirait d'un imbécile pour sombrer dans la violence.
Presque neuf ans plus tard, alors qu'un nième premier ministre, travailliste cette fois, décide de se servir une fois encore des étrangers comme boucs émissaires, lamentant les "dégâts incalculables" de l'immigration transformant le pays en "island of strangers", avec des relents d'égouts de sa prédécesseure et son honni "citizens of nowhere", j'ai mis ce t-shirt. En intérieur.
Ma fierté se limite au cadre intime. Je suis pleinement conscient de mon incohérence.
Pour la première fois depuis “avant”, j'entrouvre un peu ma bulle, ma vie, à de nouvelles personnes. Avec précaution, étonnement, joie et abandon.
Partager mon amour pour Christopher Alexander, cet extra-terrestre de l'architecture dont les écrits ont tant influencé mon approche du construire-ensemble. Dans l'espoir d'inspirer un tout petit peu qui construira le monde de demain.
Rencontrer qui sait capturer la magie de la connexion humaine, moi qui ne sais que photographier la solitude et les fantômes. Mais je sais mieux que quiconque comment me perdre. Et donc, évidemment: offrir un exemplaire du Free Play de Stephen Nachmanovitch, comme une promesse de jouer ensemble entre les lignes, sans carte ni partition.
I would like to say that we have the right to a beautiful and healthy world. But this is not so; art and a beautiful world are made by hard work and free play.
They are not rights but privileges.
Free Play: Improvisation in Life and Art
Stephen Nachmanovitch
Hard Work and Free Play.
Non seulement jouer d'un instrument de musique, mais le faire devant un public, une salle comble: une aberration pour le gamin de 8 ans avec un trou dans le bras, une évidence maintenant pour un barbu poivre et sel.
Une évidence construite de centaines (milliers?) d'heures de persévérance et de patience, et pas seulement la mienne. Mes co-conspirateurs Simon, James et Ruairi. Gregg, évidemment, immensément.
Et S. surtout, toujours, que mes heures à jouer et rejouer une simple mesure n'exaspère jamais, qui ne m'en veut pas de lui piquer son tabouret de piano, de disparaître quelques heures tous les soir, qui me ramasse à la petite cuillère les jours de doute et de désarroi, et les lendemains difficiles.
Le Brighton Guitar Quartet c'est un ensemble, aussi.
Et depuis peu une source de moments de complète transcendance, où ni moi ni le public n'existent ; des moments d'abandon complet à la musique, où le corps devient un simple vecteur d'expression de la composition d'autrui. Un automate mille fois ajusté, et pour quelques minutes peut-être, inspiré de toute la tendresse de l'univers.
C'est rare, c'est enivrant.
C'est un début.
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